n psychiatre prescrivait récemment, dans un article du Monde1, en partant du constat de la dégradations des conditions de travail, de « s'appuyer sur la capacité des gens à reprendre la parole pour améliorer le "vivre ensemble" ». Ainsi conviendrait-il de « savoir se dire ce qui rend la vie impossible, faire remonter les suggestions, avoir la volonté de se poser pour réfléchir, dialoguer avec l'autre. » Tout un programme.
Or cette parole émancipatrice, certes encore balbutiante, semble avoir trouvé un lieu privilégié d'expression dans le monde du football professionnel, où le présage d'un type de dialogue nouveau laisse augurer de l'heureux dénouement de nombre de situations de travail conflictuelles.
Attendu depuis le 19 juilllet, date de la reprise de l'entraînement, l'attaquant de l'Olympique lyonnais Fred, recruté en 2005 contre 15 millions d'euros, n'était le 25 toujours pas présent aux scéances d'entraînement. Désinvolture ? Certainement pas! L'intéressé a certes « indiqué avoir pris ses libertés avec le planning lyonnais pour le bien-être de sa famille »2 - ne faut-il pas savoir concilier vie familiale et vie professionnelle? - mais, conscience professionnnelle oblige, assure « avoir suivi avec assiduité les résultats de l'OL sur internet ». Pour s'épargner des fâcheries aussi inutiles que contre-productives que crée parfois un simple malentendu – Alain Perrin, l'entraineur de l'OL, déplore, navré, « son manque de communication »3 -, il prit les devants le 23 juillet en appelant, pour s'excuser, le président de l'OL Jean-Michel Aulas, qui trouva cette prévenance « touchante ». Le « vivre-ensemble » passe aussi par le respect des règles de bienséance. Mais celles-ci ne suffisent pas toujours. Las de ses silences trop longs et de ses absences, le président de l'OL, qui espérait néanmoins secrètement que le mariage du joueur « allait le stabiliser » et qu'il « allait repartir du bon pied » - ne faut-il pas réconcilier vie professionnelle et vie familiale? - , estima que Fred avait « fait deux erreurs » et qu'il y en avait « une de trop ». Mais même si certainement dans l'esprit de cet honnête chef d'entreprise incombe contractuellement à son joueur des obligations autres que les seules que lui prescrivent ses sautes d'humeur, il s'agissait avant tout de régler le litige dans les termes qui trouvent grâce à ses yeux: la franchise et l'honnêteté, dont le rapport viril donne une illustration exemplaire: «On essaiera de régler ça entre hommes. » Au formalisme paperassier qu'impose tout recours juridique par avocats-grassement-payés interposés, Jean-Michel Aulas, en bon gestionnaire, avait en effet de légitimes raisons de privilégier « une discussion les yeux dans les yeux», moins coûteuse en investissement personnel, quitte à envisager, au conditionnel4 - l'avenir étant plein d'incertitudes5 – une éventuelle sanction.
En décembre 2006, une employée d'Aréna se plaignait, désabusée, peu avant son licenciement, des obligations de rendement auxquelles elle était soumise sous peine de menaces. A n'en pas douter, cette situation, symptôme d'un déficit, ne pouvait être que le fruit d'un « manque de communication ».
1. "Le suicide est l'aboutissement d'un processus de délitement du tissu social", Le Monde, 21 juillet 2007.
2. Fred est là, mais pas Wiltord, L'Equpe, 1 août 2007.
3. Aulas sur Fred: «Une erreur de trop», L'Equipe, 25 juillet 2007.
4. "Le club pourrait le sanctionner" sans que Jean-Michel Aulas précise "s'il sanctionnera son joueur ".
5. L'Olympique lyonnais tente actuellement de recruter un attaquant dans l'optique d'un possible remplacement de Fred, l'éventualité d'un échec invite sans doute ses dirigeants à ménager les susceptibilités.
PS. Il semblerait que le coéquipier de Fred, Sylvain Wiltord, après son transfert avorté à Rennes, en habitué du genre, se soit « fait porter pâle » selon une communication du club.
Illustration: Frédéric Bruly Bouabré, Les formes atomisées, 1988, Musée national d'art contemporain, Centre Georges Pompidou, Paris.