près avoir accordé une interview au quotidien " AL AHRAM " (1/08), envoyé des lettres de mission à Xavier Bertrand, Christine Albanel, Joël Ménard (1/08), Alain Bauer (2/08) et Michèle Alliot-Marie (6/08), adressé une lettre à Thabo Mbeki, Président d’Afrique du Sud (13/08), Surya Bonaly (14/08), Angela Merkel, Chancelière d’Allemagne (15/08) et Anote Tong, Président de Kiribati (20/08), fait des allocutions au Commissariat d'Evry (1/08) et à l'occasion de l'installation de la commission du Livre Blanc sur la défense et la sécurité nationale (23/08), envoyé des messages à l'occasion du festival de Ramatuelle (3/08) et aux Martiniquais et Guadeloupéens (18/08), adressé des communiqués à la suite du décès de Heinz Barth (14/08) et du 19ème lancement réussi d’affilée d’Ariane 5 (15/08), présenté ses condoléances au Président du Pérou suite au séisme (16/08) et au Premier ministre grec suite aux incendies (25/08), fait une déclaration à l'issue de la table ronde sur les mesures de sûreté contre les criminels dangereux (20/08)1 et passé quelques jours en villégiature à Wolfeboro, le mois d'août s'achevant, Nicolas Sarkozy se soucia alors le 27 de nous préciser ses vues concernant la politique étrangère de la France et notamment les relations futures avec l'Iran, qu'il considère comme la quatrième crise du Moyen Orient - « la plus grave qui pèse aujourd'hui sur l'ordre international »2 - avec le conflit israëlo-palestinien, le Liban et l'Irak.
Ne cherchez pas dans cet inventaire à la Prévert une logique quelconque mais n'y voyez pas, du fait de la date tardive de l'allocution, le peu de cas que ferait Nicolas Sarkozy des questions de politique étrangère: les faits divers n'ayant d'autre ordre que chronologique, les interventions de Nicolas Sarkozy n'y dérogent pas, succédant les unes aux autres rivées à l'actualité. Mais dans les interstices qu'elle ménage parfois, d'autres préoccupations peuvent poindre.
De l'Iran, la France, à l'initiative de négociations, et en collaboration avec l'Union européenne, les Etats-Unis, la Russie et la Chine dans un « dialogue sans complaisance », ne saurait tolérer qu'il se dote de l'arme nucléaire. La signature par l'Iran du Traité de non-prolifération nucléaire a, aux yeux de Nicolas Sarkozy, force de loi, oublieux sans doute qu'il est de préciser qu'un traité n'est qu'un contrat en droit international public et qu'il lie les parties par des obligations réciproques. Peut-être conviendrait-il de rappeler à Nicolas Sarkozy l'article VI du Traité de non-prolifération nucléaire concernant le désarmement?3
Loin de ces arguties juridiques, s'inspirant d'une tradition qu'il semble inaugurer, Nicolas Sarkozy réinterprète bien librement le principe du droit romain « pacta sunt servanda »4. Il lui paraît en effet préférable d'envisager, au lieu de la conciliation juridique que l'inexécution des obligations d'un des contractants indiquait, la seule voie que selon lui ce manquement non pas exige mais implique. Ainsi de l'Iran, il considère que « le choix de respecter ses obligations » est la seule manière « qui puisse nous permettre d'échapper à une alternative catastrophique : la bombe iranienne ou le bombardement de l'Iran. » Là où d'aucuns auraient cru à la relative indépendance des raisons et des causes, du monde de la liberté et celui de la nécessité, Nicolas Sarkozy introduit entre eux une continuité, causalité qui s'origine dans l'esprit, déployant ses effets dans la matière. Mais l'alternative, prise au sens de dilemme, qui met en demeure de choisir entre deux propositions ou deux décisions, ne dit rien quant aux conséquences de ce choix. En naturalisant les conséquences possibles des choix, Nicolas Sarkozy rend la guerre inéluctable5.
Jean-Paul Aron notait à propos de Rolland Barthes que « l'écrivain contemporain est impropre au dépassement », suggérant qu' « entre l'ambition et la solitude, peut-être Barthes, en mourant, a-t-il préféré fuir le choix.»6 Gageons que l'homme politique, au contraire de l'écrivain, aura su faire le bon.
1. Les dernières interventions du Président de la République, Présidence de la république.
2. Allocution de M. Nicolas SARKOZY, Président de la République, à l'occasion de la conférence des Ambassadeurs, Présidence de la république.
3. « Chacune des Parties au Traité s'engage à poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et au désarmement nucléaire et sur un traité de désarmement général et complet sous un contrôle international strict et efficace. »
Source: Centre de documentation et de recherche sur la paix et les conflits.
4. « Les conventions doivent être respectées. » L'article 26 de la Convention de Vienne précise que « tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi. »
5. Pour autant, pas plus que la bêtise, la guerre n'est une fatalité. Et que l'ignorance stimule l'une quand l'ineptie encourage l'autre ne doit pas nous interdire d'apprécier l'inanité des propos de Nicolas Sarkozy. Dans un sens logique, l'alternative est l'énoncé de deux propositions où, si l'une est vraie, l'autre est nécessairement fausse. En conséquence, la possession par l'Iran de la bombe atomique rend son bombardement logiquement faux et factuellement irrationnel puisque fondé sur une proposition fausse. Inversement, si le bombardement de l'Irak est logiquement vrai, il est factuellement absurde puisqu'il présuppose logiquement que l'Iran n'a pas la bombe. Par extension à ce sens, l'alternative est l'obligation qui est faite de choisir entre deux parties possibles, soit deux propositions, deux situations ou encore deux décisions. Mais même dans cette acception, la formule de Nicolas Sarkozy est privée de sens, puisque le choix par l'Iran de posséder la bombe exclura le choix d'être bombardé, ce qui rend les menaces de Nicolas Sarkozy vaines, et qu'inversement, l'hypothèse de l'alternative qui consisterait à choisir d'être bombardé tout en s'interdisant de posséder la bombe devient plus que grotesque.
6. Jean-Paul Aron, Les modernes, Folio essais, Seuil, 1986, p. 252-53.
illustration: Edme Fourier, Bombes, Planche 87 des "Mémoires d'artillerie" de Surirey de Saint Rémy, 1745, Musée de l'armée, Paris.