L’air du temps, si certains le pressentent, d’autres l’anticipent, illustrant avec l’humilité et la discrétion qui sied aux parvenus le nouvel esprit du capitalisme: l’employabilité. Qui mieux qu’un précurseur comme Monsieur Strauss-Kahn a su incarner cette trop rare aptitude, tour à tour ministre, consultant, avocat, expert, lobbyiste, maire et encore ministre. Le conflit d’intérêts ne saurait l’effleurer, puisque bien compris, d’apparemment inconciliables ils se révèlent solidaires1.
Battu aux législatives de 1993, le peu de surface politique que lui garantit son poste de conseiller d’opposition à la Mairie de Sarcelles2 se voit amplement compensé par le parti qu’il tire de ses activités extra-municipales, qui n’auraient avec l’intérêt général de rapport, s’il était établi, que d’homonymie3. Vice-président dès 1994 du « Cercle de l’industrie » (lobby de l’industrie française auprès de Bruxelles), fondé par Raymond Lévy, ex-PDG de Renault, il y côtoie entre autres Vincent Bolloré, patron du groupe Bolloré et de Havas, Maurice Lévy de Publicis, Lindsay Owen-Jones de L'Oréal ou Jean Gandois, ex-PDG de Pechiney puis au CNPF4.
En somme, comme vous, comme moi...
Copinage dans le sillage duquel il crée DSK Consultants, d’abord consultant puis avocat d’affaires, l’amenant indifféremment à travailler, entre dîners mondains et intrigues bruxelloises, pour Alcatel, EDF, la COGEMA ou la SOFRES, à titre salarié. Statut transitoire mais peu précaire, appointé généreusement, gratifiant son dévouement : de 1993 à 1997, à Alcatel, Monsieur Strauss-Kahn serait redevable de la somme de 2 millions de francs, à EDF de 1,5 millions, à la SOFRES et la COGEMA de 600 000 francs chacune. Ajouter à cela quelques menus services rendus notamment à Eurométaux, Métaleurop et le cimentier Bertrand Collomb, pour faire bon ménage.
Un peu finalement, comme vous, comme moi...
En 2002, du « groupe intermédiaire » - comprendre la « classe » moyenne, vocable insidieux - , Monsieur Dominique Strauss-Kahn donnait la définition suivante, où l’ignorance la plus crasse le dispute à l’impudence la plus éhontée : « Ce sont des tas de gens comme vous, comme moi.5»
1. Monsieur Strauss-Kahn a pu affirmer que ses différents postes dans le monde de l’entreprise lui ont été sinon nécessaires, du moins bénéfiques, dans l’exercice de ses fonctions de ministre.
2. Actuellement adjoint au Maire de Sarcelles, dans le Val-d'Oise, Monsieur Strauss-Kahn habite néanmoins dans le XVIème arrondissement de Paris.
3. « On dit homonymes les items qui n’ont de commun qu’un nom, tandis que l’énoncé de l’essence, correspondant au nom, est différent. » Aristote, Catégories, Points Essais, 2002, p.59.
4. Source : L’Expansion.
5. Dominique Strauss-Kahn, LCI, 19 janvier 2002. Cité par Serge Halimi, Flamme bourgeoise, cendre prolétarienne, Le Monde Diplomatique, mars 2002.